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PERSONA/E
À l'attention des espaces compris chacun comme des lieux, s'ajoute un petit panthéon mythologique léger, avec ses personnages occasionnels qui pourraient être autant des figurines, si on se contentait (ici) de les imaginer tels ; et ça pourrait bien convenir. À la limite. Surtout si on les regardait avec distance, rassemblés dans un registre qui leur donne un genre familial ; en s'aidant de l'imagination. Mais comme ailleurs, par acquis d'habitude et finalement par choix redondant, je me demande, en la repoussant, si la question du goût (ou de l'arrière-goût) esthétique n'est pas purement et simplement à rejeter (vieille Lune duchampienne, qui n'a pas besoin de Duchamp). Toutefois, je remarque encore que toute présentation engendre la nécessité d'un soin flatteur, « ornemental » au minimum requis ; que cela soit dans ce qui se découvre comme étant le montré, ou au contraire dans ce qui est recherché comme étant le dissimulé. Bref dans ce qui se signalera peut-être comme étant de l'art. … À quelque chose près.
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La Déesse
...qui accompagna le projet-texte de La Réussite, installation in situ, Galerie Ars Proxima, Port Louis, Morbihan, 2021
The Goddess on the edge est constituée d'un très grands nombre de boîtes de cartes à jouer vides, en plastique. C'est un assemblage par la colle de volumes d'air capturés qui compose la silhouette d'une personne, ou plutôt d'une statue en pied. Cette « déesse » figée, presque sur le point de tomber, accompagne la lecture donnée d'un texte ; l'exposé du projet de La Réussite. Alors la Déesse représente aussi bien une spectatrice.
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Collage : boites en plastique de cartes à jouer vides.
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Golem Partition
Exposition personnelle,
installation de sculptures dans une cave,
festival Croisements,
librairie Le Livre,
Tours, 2011
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Golem; « embryon », « informe » ou « inachevé » en hébreu, est, dans la mystique puis la mythologie juive, un être artificiel, généralement humanoïde, fait d’argile, incapable de parole et dépourvu de libre-arbitre façonné afin d’assister ou défendre son créateur (cf: wikipédia). L'exposition, dans une cave de (très bonne) librairie, devait s'accommoder d'un environnement tortueux et difficile. Il s’en est suivi un étalage de formes peu clinquantes, et peu séduisantes sans doute. J'ai conçu l’exposition comme un parcours jalonné d'objets, tels des encombrants, dont la lecture d’ensemble se révélait n'être pas évidente, voir compliquée. Pourtant l’ensemble pour être cohérent, possède sa logique. Et voici d’abord quelque chose qui m’a intéressé: D’après Benveniste, la tentative de Saussure pour concevoir la langue uniquement comme un système est insuffisante et ne permet pas d’expliquer comment on passe du signe à la parole. « En réalité le monde du signe est clos. Du signe à la phrase il n’y a pas de transition, ni par syntagmation, ni autrement. Un hiatus les sépare. » (Benveniste, Problèmes de linguistique générale, Gallimard, 1974). Si l’installation de la cave est composée d’objets hétéroclites, la plupart ont en commun d’appartenir au cercle domestique. La pièce est a priori « un » ensemble concret qu’on découvre se diviser en « trois » sous-ensembles… Ici, un gros œuf de plâtre harnaché à une pseudo sphère armillaire, plus loin un groupe de quatre tubes cathodiques plâtrés, puis plus loin encore, plus haut et à l’écart, un réfrigérateur en fonctionnement, lequel est retranché derrière trois étais, porte close contre un des murs du lieu. L’ambiance de dépôt est à la rouille, à l’ombre et la lumière électrique. Si on observe davantage, on comprend que l’installation se découpe autrement : deux moniteurs appartiennent à la sphère d’influence du réfrigérateur. Ce sont ces deux moniteurs-là qui fournissent l’éclairage dans la cave, via deux ampoules basse consommation alimentées depuis le réfrigérateur. Tandis que les deux autres moniteurs — ceux dont les écrans ne font que réfléchir les lumières — sont dévitalisés, inertes donc. Il ressort du croisement de ces deux ensembles, qui forment pourtant en commun « un » groupe central, qu’une connexion latente ne se produit pas. Les quatre tubes cathodiques ne se relient entre eux que dans la disposition, pas par les fils…
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La librairie "Le Livre" est située sur la place du Grand Marché à Tours, qu'on appelle communément la place "du monstre", désignant ainsi une réalisation d'art public de Xavier Veilhan. Dans la cave et dans le réfrigérateur, une statuette d'argile, à laquelle manque tête et bras, enfin est enfermée...
Acier, plâtre, câble, écrans désactivés/écrans réactivés, câble, réfrigérateur en fonctionnement,
statuette d'argile (cachée dans le réfrigérateur), étais.
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Enclave
Exposition personnelle et installation in situ,
Collège René Cassin,
Cosnes-sur-Loire, 2007
Texte placardé sur la porte à l’attention des spectateurs :
Ça n'est pas que le crocodile passe son temps à observer ou même à attendre, car, si c'est le cas, est-on sûr qu'il le sache ? Et si nous nous mettions le mieux du monde à sa place, serait-on en train d'attendre ou bien de chasser au milieu du repos ? À scruter un crocodile (pour autant), créature apparemment inerte, figée, se dégage l'impression étrange de tourner autour d'un objet sans âme (s'il n'y avait bien sûr les dents, un soupçon prolongé de mobilité rivé aux pattes).
Descriptif :
La pièce d'exposition est fermée à clé, on ne peut y entrer. L'observateur a deux accès visuels, soit par l'œilleton de la porte, soit du côté opposé par la baie vitrée. Pour aller d'un point à l'autre un grand détour est nécessaire. Ce temps est mis à profit pour comprendre la proposition dans son ensemble. Les éléments réfléchisants disposés à l’intérieur la pièce la reflètent de toutes parts tout en renvoyant à soi-même le regard de l’individu spectateur.
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Feutre, verre, miroirs convexes, œilleton.
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Exécution capitale
Résidence, au Lycée agricole de Beaune-la-Rolande, Loiret, 2009
Le matin du jeudi 5 février 2009, jour surprise d'une exécution capitale, était distribué un journal dans l'établissement.
« Le Brûlot » comporte une suite de dessins originaux qui annoncent en l'illustrant le déroulé de l'événement auquel sont conviés les curieux pour la tombée de la nuit, avant que chacun ne rejoigne cantine et internat.
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La page éditoriale du Brûlot a été confiée à Yves Duranthon, dont voici le texte :
EXÉCUTION CAPITALE
Ils l'ont attrapé sans trop de difficulté, il errait dans les bois, affamé, hagard, il n'a opposé aucune résistance. J'ai retenu son prénom, Sébastien, comme le gardien de notre équipe de foot, c'est pour ça que je m'en suis souvenu… « Il était recherché pourquoi exactement ? m'a demandé Patricia. - Tu sais bien, c'était un artiste, en cavale depuis des mois. - Quel genre d'artiste ? - Un plasticien, sculpteur, je crois. - Quelle horreur… »
Il était grand et plutôt maigre, le corps abîmé, les cheveux et la barbe longs et broussailleux. Ils l'ont attaché et exposé un peu partout dans le village pendant trois semaines. A la fin, il finissait par ressembler à un pantin, presque sans vie, exsangue. Les oiseaux l'avaient pris comme perchoir. Mais il n'était pas mort et le conseil du village a décidé de régler son sort au plus vite avec l'accord des autorités locales et nationales. On a reçu l'édition spéciale du journal local qui titrait en gros « EXÉCUTION CAPITALE » et qui ressemblait à une affichette à l'ancienne, assez sommaire, à placarder ici ou là pour attirer l'attention du public. L'exécution était prévue pour le soir même. J'ai décidé qu'on irait avec les enfants.
Patricia a paru inquiète. « On n'avait pas ces choses-là dans notre enfance. J'ai peur que ça soit trop dur pour eux. - Je ne pense pas, et le monde a tellement changé depuis. Nous ne pouvons plus juger. Suivre le mouvement, c'est ce que nous avons de mieux à faire. Je vais m'en occuper si tu veux, je les prends tous les deux avec moi, tu n'auras qu'à rester ici ou partir pour la soirée. Et pourquoi n'irais-tu pas voir ta mère ? Elle qui refuse encore cette inéluctable évolution du monde… ». Elle a acquiescé. « Sois prudent avec eux et n'oublie pas de prendre un peu d'argent pour les sucreries… » Au milieu du stade avait été dressée à la va-vite une scène avec un billot et un bûcher. Le bois y était déjà entassé, prêt pour le brasier final. Les tribunes étaient pleines mais nous avons réussi à trouver trois places. Je me suis installé entre les enfants. Il n'y a pas eu de discours du maire, rien d'officiel. Maintenant que tout le monde était présent, que le village était rassemblé dans la même attente, on pouvait se passer de préliminaires. On semblait plutôt pressé d'en finir. Deux gendarmes ont amené le condamné ou plutôt l'ont trainé, à peine conscient, jusqu'au billot. Pas d'émotion dans les tribunes, la foule était comme glacée, déjà pétrifiée par l'horreur à venir. Un homme jeune, grand et costaud est alors monté sur scène armé de la plus grande tronçonneuse que j'ai jamais vue et qu'il a démarré en un clin d'œil dans un vacarme assourdissant. Tout s'est déroulé très vite ensuite, la tête coupée, le sang qui gicle étonnamment loin, puis le corps vidé qu'on jette presque négligemment sur le bûcher. Les flammes qui brûlent la chair, illuminent les visages de la foule muette. Je crois que je me suis senti extérieur à tout ça. spectateur muet de la combustion. Les enfants ont semblé fascinés par l'horreur mais je crois qu'à aucun moment ils n'ont eu peur et qu'ils ont compris que quelque chose d'important était en train de se passer. Je sais maintenant qu'au delà de la mort de cet artiste, c'était un peu à la mort de l'art qu'on assistait, et que c'était aussi une grande libération. Nous sommes rentrés et en chemin nous avons acheté des glaces dans une baraque au bord de la route. Spontanément nous avons pris le même parfum. La fraise avait un goût de sang.
Yves Duranthon
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Ravalement de façade
Je m'abstrais, je me suis abstrait, je m'abstrayais, je m'étais abstrait, je me fus abstrait, je m'abstrairai, je me serai abstrait, que je m'abstraie, que je me sois abstrait, que je me fusse abstrait, je m'abstrairais, je me serais abstrait, je me fusse abstrait, abstrais-toi !
À l'occasion des fêtes de Jeanne d'Arc,
dans les rues d'Orléans, 2002
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Bois de sapin.
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