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La plupart de mes œuvres témoignent d'une quête de neutralisation de la valeur. Ou de ce qui, prétendant à l'art, n'est pas utilisable (verre coupé de telle manière...), est détourné de l'usage pour être seulement exposé (des objets usuels dédouanés d'une désignation commerciale... voire même, en un sens associé au commerce, dédouanés d'une désignation artistique) ; bref, une quête de ce qui s'anéantirait dans une version parfaitement inutile (à découvrir, éventuellement, comme la neutralisation par elle-même de cette idée-là ; qui serait celle d'une revendication réussie... sans aboutir, si le cas pouvait se concevoir). Tellement, que la présentation recherchée serait celle d'un état définitif ; un semblant de décrépitude neuve. Et donc, alors, sans doute cette gageure poursuit-elle un prix dont la récompense est perpétuellement à estimer ? Ou bien, plus justement, qui demeure ainsi inestimable.
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Réglement
Exposition personnelle, Square des Batignolles, Paris, 2022
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![Réglement]()
Je suis assise par terre à l’extérieur de la serre. Il avait plu. Hier matin, peut-être. Les parcs parisiens auraient été fermés à cause de fortes rafales de vent. L’empreinte d’un ruisseau coule presque jusqu’au tapis. « On est passé l’autre jour, il y avait le vernissage. Qu’est-ce qu’il y a d’écrit ? Ça veut dire quelque chose ? Ah! Quand tu regardes des lettres bleues … » Les voix se perdent, partent. Reviennent « Y'a écrit « règlement » en rouge de ce côté là et « intérieur » à l’intérieur. Et là c’est la même chose mais le rouge est à l’intérieur et le bleu à l’extérieur. » Repartent, les voix. Sur le tapis, plusieurs feuilles brunes de la saison dernière, certainement. Au loin, les trains, les enfants. Ici, les ombres des marronniers qui dansent au sol. Je suis immobile. On aurait presque pu se demander s’il y a de l’oxygène dans la serre. Les tapis, c’est d’un autre temps, hein. L’oranger aussi. Et les feuilles mortes. Il n’y a que le A des punks gravé au couteau sur le tronc qui approximativement bat la mesure du temps.
Je vais rester encore un moment ici. (Ces mots et trois photos argentiques sont de la visiteuse Nina Rendulic)
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Au sol : verre plat, fragment de tapis oriental, bois calciné, bac de plantation avec oranger mort.
Sur les vitres : alternance de lettres autocollantes bleues et rouge.
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Libertés imparfaites
Installation, Galerie Poteaux d'angle, Bourges, 2020

Pitch : À partir du lieu, de ses dispositions internes et externes, tentative d'animer les surfaces sans trop les troubler. Prise en compte d'éléments de vocabulaire politiques et populaires, furtifs, actuels, mêlés à des persistances plastiques référencées. Le tout en vue de proposer une exposition toute en retenue bien plutôt que l'exhibition retentissante de l'art. S'attendre, éventuellement, à un résultat qui pousse à l'examen de l'ensemble d'une situation mais, alors, comme au travers de ses défauts. Pour la réalisation, cela consisterait à permettre l'accord entre ces faiblesses.
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![Libertés imparfaites]()
![Libertés imparfaites]()
N.B : Chaque composant de l’exposition est un extrait de production industrielle utilisé en vue de lui faire échapper à une destination inéluctable.
INVENTAIRE :
A. Espace pénétrable du lieu :
1.
Réemploi de néons usés, barres de métal, de bois, rassemblés en faisceau, peintures fluo. Néon led et système d’interruption électronique. Clignotement de la lumière considérablement lent.
2.
Deux miroirs portatifs fixés à la vitre de la galerie. Inscriptions « UN ETAT » et « DU LIEU » en lettres capitales à l’envers, à regarder et/ou déchiffrer depuis l’extérieur. Caractères en plastique collés, retenus entre la vitre et les mroirs, et dans leur encadrement.
3.
Trois plateaux de verre teinté alignés, couchés au sol. Leur disposition correspond au caractère typographique des points de... suspension. Une revue « Laura » n°28 (dernier tirage à ce moment-là) est posée sur chacun des plateaux qui redeviennent tables. La couverture du magazine porte l’image reproduite de « Elle », 1992, photographie avec lettrage peint à l’huile. Cette reproduction éditée en série par la revue, d’une œuvre originale de Rodrigo López Cuenca, expose en abîme l’appropriation faite d’un portrait de M. Duchamp travesti en Rrose Sélavy dû à Man Ray (1921). S’agissant de la revue, chaque exemplaire posé, quoique réplique du même, est objet distinct. De là l’avantage d’un espacement séparateur pour les présenter (ceci d’autant que le palindrome ELLE sème un trouble). Un verre vidé du bar d’en face place sur cette scène un genre d’autoportrait « in situ ».
4.
Opération blanche. Peinture acrylique en couleurs, et encre noire sur toile tendue sur châssis. Tous ces motifs sont dissimulés sous deux couches de geso, blanc
5.
What you see is what you see. Deux photographies de caméras de surveillance des alentours demandées à Alain Sadania, imprimées sur papier, le tout plastifié. Pince à dessin. (le titre est une citation historique du peintre étatsunien Franck Stella, datant de 1966. (Ici, « Ce que tu vois est ce que tu vois » plutôt que « Ce qui est à voir est ce que vous voyez ».)
6.
Encore quelques réalisations pour poursuivre d’accompagner les trois premières de cette salle, toutes plus ou moins dérobées à la vue qu’offre l’extérieur de la galerie ; « Phantônes », trois plateaux de verre transparent adossés à une cimaise, et enfin, des petites toiles blanches bon marché et « sans titre » collées entres elles par de la peinture acrylique blanche.
B. Vitrine et grande cimaise de tôle, Sud :
1.
Art en grève. Châssis carrés entoilés retournés, contrecollés chacun d’un autre, et ayant au dos de la toile rendu visible cette inscription peinte. Ceci à l’exception d’un d’entre eux, qui présente, celui-là, à la mine de plomb, l’inscription vaguement lisible « avant-garde en grève ».
2.
« Phantônes » ; deux plateaux de verre transparent.
C. Vitrine du couloir de la galerie marchande, coin de cimaise de tôle, Est
1.
Boustrophédon dedans-dehors. Inscriptions pulvérisées des mots « dedans » et « dehors » à la bombe aérosol orange fluo, chaque mot quatre fois, dont deux fois d’un côté de la vitre, deux fois de l’autre, et chaque fois de ces deux, soit écrit à l’endroit, soit écrit à l’envers.
Signifiant d’après le grec « bœuf qui se meut en tournant », le terme « boustrophédon » désigne un type d’écriture archaïque utilisé par les orientaux et les Grecs, imitant le mouvement des sillons tracés dans un champ, et dans lequel une ligne se lit de gauche à droite, la suivante de droite à gauche, et ainsi de suite alternativement. (cf. Wikipedia). On peut lire dans l’utilisation qui en est faite ici, d’un côté l’autre, une métaphore, sociale, politique, morale, culturelle, sexuelle (identité et physiologie), etc. L’utilisation de la bombe de marquage peut référer tant au vandalisme (éclairé ou non) qu’à une mise en chantier de l’espace public (éclairé ou non).
2.
« Phantône ». Un plateau de verre transparent.
D. Extérieur, façade-vitrine-miroir, Ouest :
1.
Réduire la voilure. Sac plastique (cf. petit marqueur nouveau dans l’art, révélateur attendu d’une vie au milieu des déchets), blanc, collé à la vitrine-miroir. S’agrippe comme une enseigne. Flotte tel un drapeau. S’agite comme flamme. Et se reflète tel Narcisse.
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Photographies carrées : Alains Sadania
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Enclave
Exposition personnelle et installation in situ,
Collège René Cassin,
Cosnes-sur-Loire, 2007
Texte placardé sur la porte à l’attention des spectateurs :
Ça n'est pas que le crocodile passe son temps à observer ou même à attendre, car, si c'est le cas, est-on sûr qu'il le sache ? Et si nous nous mettions le mieux du monde à sa place, serait-on en train d'attendre ou bien de chasser au milieu du repos ? À scruter un crocodile (pour autant), créature apparemment inerte, figée, se dégage l'impression étrange de tourner autour d'un objet sans âme (s'il n'y avait bien sûr les dents, un soupçon prolongé de mobilité rivé aux pattes).
Descriptif :
La pièce d'exposition est fermée à clé, on ne peut y entrer. L'observateur a deux accès visuels, soit par l'œilleton de la porte, soit du côté opposé par la baie vitrée. Pour aller d'un point à l'autre un grand détour est nécessaire. Ce temps est mis à profit pour comprendre la proposition dans son ensemble. Les éléments réfléchisants disposés à l’intérieur la pièce la reflètent de toutes parts tout en renvoyant à soi-même le regard de l’individu spectateur.
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Feutre, verre, miroirs convexes, œilleton.
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